La personne  - Eric Delassus - Editions Bréal
La personne

Posts Tagged ‘Albert Camus’

Pourquoi regardons-nous des émissions débiles à la télé ?

Posted in Articles, Billets on janvier 27th, 2020 by admin – Commentaires fermés

Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre

Blaise Pascal

Il vous est certainement déjà arrivé, en rentrant chez vous après une journée de travail harassante, de vous jeter dans votre canapé et d’allumer la télévision pour rester « scotché » devant une émission totalement stupide. Vous avez beau vous dire que vous feriez mieux d’éteindre votre récepteur, il n’empêche que vous continuez à suivre le déroulement du programme en vous disant que « on nous passe vraiment n’importe quoi à la télé ! ». Vous auriez pu vous asseoir paisiblement et vous contenter de la tranquillité de ce moment de solitude. Mais non ! Il vous a fallu appuyer sur la télécommande pour mettre en marche ce robinet à images qu’est votre téléviseur. Comme si le fait de vous retrouver face à vous-même vous faisait peur, comme si le silence vous était insupportable.

Si nous ressentons ce besoin de combler le vide de la solitude et du silence, c’est, selon Blaise Pascal, parce que nous avons besoin de nous divertir. On dirait aujourd’hui de « se changer les idées ». Reste à préciser quelles sont ces idées dont nous souhaitons être délivrés. On pourrait croire que ce sont celles qui relèvent de ces soucis quotidiens dont nous parlions plus haut, mais il n’en est rien. Ces soucis-là relèvent eux aussi du divertissement. En effet, aussi paradoxal que cela puisse paraître, si nous travaillons, si nous nous agitons quotidiennement pour diverses raisons que nous feignons de juger importantes, c’est toujours et encore pour nous divertir.

Autant dire que le terme de divertissement n’est pas à prendre ici dans un sens positif, il ne s’agit pas de se livrer à une joie pure, à un plaisir innocent. Se divertir signifie pour Pascal se détourner de l’essentiel, se détourner de ce qui nous angoisse, refuser de regarder en face ce qui est au cœur de la condition humaine.

Si en rentrant chez soi, on préfère allumer la télé plutôt que d’adopter une posture plus méditative dans le silence et la solitude, c’est que nous ne voulons pas nous retrouver face à nous-mêmes et assumer pleinement notre condition. Nous ne voulons pas nous trouver confrontés aux questions qui nous taraudent et que nous chassons régulièrement de notre esprit, parce que nous n’avons pas de réponses immédiates à leur apporter. Ces questions sont celles du sens de la vie, celles qui concernent les buts que nous poursuivons, celles qui concernent la vie et la mort, la finitude d’une existence qui peut sembler absurde. Aussi, préférons-nous nous divertir, pour ne pas trop se poser de questions, pour ne pas avoir à supporter le poids d’une existence dont le sens nous échappe. C’est pourquoi le divertissement tel que le conçoit Pascal déborde largement le temps que nous consacrons aux loisirs. Ceux qui s’investissent excessivement dans le travail, la politique ou tout autre activité, le font également pour se divertir. Même si les tâches auxquelles ils se livrent sont pénibles et éreintantes, elles sont moins difficiles à supporter que le fait de se trouver seul face à soi-même dans le silence.

La condition humaine est celle d’un être fini, d’un être mortel qui sait qu’il va mourir, mais qui ne sait pas si un quelconque salut est possible. Elle est celle d’un esprit qui aspire à l’infini et l’absolu tout en sachant qu’ici-bas, il ne peut l’atteindre et qui craint de ne pouvoir y accéder. C’est en ce sens que l’angoisse indissociable de l’existence humaine. L’angoisse qui n’est pas la peur, car la peur est toujours peur de quelque chose. L’angoisse, en revanche, est une peur sans objet, elle concerne ce vertige que nous ressentons face au néant vers lequel, peut-être, nous risquons de nous trouver plonger après la mort, elle renvoie à ce vide, à cette absence de sens qui nous semble caractériser l’existence humaine. C’est cette angoisse qui nous saisit dès que nous sommes seuls dans une chambre. Pour y échapper, Pascal ne voit rien d’autre que la foi, le pari de l’existence d’un Dieu pouvant donner sens à notre existence. D’autres assument pleinement l’absurde, tel Albert Camus qui imagine Sisyphe heureux. Sisyphe poussant incessamment son rocher en sachant pertinemment qu’il retombera de l’autre côté de la colline, mais qui n’en continue pas moins d’effectuer joyeusement sa tâche.

 

C’est donc parce que nous sommes tous des Sisyphe incapables d’assumer leur condition que nous pouvons nous surprendre parfois à regarder des émissions débiles à la télé. Ceux qui qualifient ces programmes de divertissant ne savent pas si bien dire, ils font du Pascal sans le savoir, comme Monsieur Jourdain fait de la prose.

La prochaine fois que vous rentrerez chez vous et que vous vous jetterez sur votre canapé prêt à saisir la télécommande de votre téléviseur, attendez un peu avant d’appuyer sur le bouton et pensez à Pascal ou à Camus. Essayez d’assumer au moins quelques instants votre condition. Peut-être parviendrez-vous, tel Sisyphe, à la vivre un peu plus heureusement.

The Dissident : l’indécence et le courage de la liberté

Posted in Articles on avril 24th, 2018 by admin – Commentaires fermés

 

 

Le magazine libre The Dissident

Né en novembre 2014, le magazine libre The Dissident est un webzine totalement libre, indépendant et pluraliste. Créé à l’initiative de Remy Degoul, The Dissident a principalement pour objectif  de faire vivre la liberté d’expression en s’affranchissant de toute soumission à quelque puissance économique ou financière, politique ou idéologique que ce soit.

The Dissident se réclame d’Albert Camus et des quatre commandements du journalisme exposés dans un manifeste rédigé en 1939 pour exhorter les journalistes à rester libres malgré la guerre qui menace. Dans ce très beau texte, qui fut d’ailleurs censuré, Camus invite les journalistes à faire preuve de lucidité, de refus, d’ironie et d’obstination, afin de maintenir l’homme face à ce qui le nie.

C’est dans cette perspective, que l’on peut qualifier d’humaniste, que le webzine The Dissident s’inscrit, afin de donner la parole à ceux qui parfois en sont privés, afin d’ouvrir de réels débats entre des esprits indépendants capables d’exprimer des points de vue différents dans le respect mutuel.

La dissidence n’est pas tant ici dans les idées que dans la manière de les exprimer afin de faire progresser et vivre la démocratie. C’est toujours avec grand plaisir que je contribue à la vie de ce magazine. Je vous invite non seulement à y lire mes articles, mais, bien entendu, ceux de tous les autres contributeurs dont la qualité n’est plus à démontrer.

L’homme qui sut prendre le temps

Posted in Articles on octobre 27th, 2017 by admin – Commentaires fermés

L’homme qui sut prendre le temps

Par   le 8 octobre 2017

« Florence ! Un des seuls lieux d’Europe où j’ai compris qu’au cœur de ma révolte dormait un consentement. » Albert Camus, Noces (Gallimard).

« Prendre le temps de vivre », dans le langage ordinaire, signifie agir et se conduire avec nonchalance, laisser faire les choses et parfois s’abandonner à la paresse. Chez Camus, c’est dans un tout autre sens qu’il faut prendre cette expression. S’il sut prendre le temps de vivre et de travailler – chez lui, l’un ne va pas sans l’autre –, c’est parce qu’il remplit une vie qui fut néanmoins brève par une activité dont la richesse n’a d’égale que la diversité. Littérature, philosophie, journalisme, théâtre, Camus parvint, sans effervescence ni précipitation, à réaliser une œuvre dont on découvre et redécouvre sans cesse la profondeur et l’authentique humanité. Il réussit à conjuguer l’urgence de vivre et la sérénité de celui qui n’espérant rien ne renonce pas au bonheur pour autant. Peut-être, la maladie dont il fut affecté précocement fut-elle un élément favorisant ce goût de vivre. De vivre malgré tout ?

Lire la suite de l’article sur The Dissident

Maintenir l’homme face à ce qui le nie

Posted in Articles on novembre 4th, 2013 by admin – Commentaires fermés

Pour qu’une démocratie fonctionne, il faut impérativement que les citoyens qui la composent soient informés afin qu’ils puissent exercer leur jugement de façon éclairée. Cette nécessité d’une information riche, diverse et approfondie, si elle est une condition de la démocratie, est également à l’origine des problèmes que rencontre notre société médiatique.

Lire la suite sur The Dissident