La personne  - Eric Delassus - Editions Bréal
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Le sens du travail

Posted in Articles on mai 31st, 2024 by admin – Commentaires fermés

Conférence prononcée le 29 mai 2024 au CHU de Reims lors la deuxième édition des rencontres de l’encadrement proposées par la Direction des Ressources Humaines et la Direction des Soins Infirmiers et de Rééducation et Médico-techniques. Merci à THIERRY BRUGEAT, Jeannine Leonard, Capucine Gremion, Isabelle Daligault, Sandrine COURROUX, Yannick BOMY, Axelle Bringard, Elodie Garin et Carole Etiennot de m’avoir invité à participer à cette journée.

 


Il y a quelques années des jeunes étudiants d’une école prestigieuse ont, lors de la cérémonie de remise des diplômes, remis publiquement en question les principes en fonction desquels ils avaient été formés durant leur cursus.

On peut trouver incongru ou déplacé la manière dont s’est manifestée cette remise en question, mais indépendamment de tout jugement de valeur, cette attitude est significative d’une aspiration qui anime une grande partie de notre jeunesse qui cherche à redonner du sens au travail et qui considère que cette activité ne peut se réduire à gagner, voire à bien gagner sa vie. Pour beaucoup de nos contemporains, le travail n’est plus en lui-même une valeur, il est plutôt appréhendé comme l’activité qui ne prend tout son sens que si elle contribue à promouvoir les valeurs dans lesquelles on se reconnaît. Certes, pour encore de trop nombreuses personnes, le travail n’est avant tout que le seul moyen de gagner péniblement sa vie en exerçant une activité que l’on n’a pas nécessairement choisie. Pour d’autres qui ont la possibilité de choisir le métier qu’ils vont exercer, la seule valeur qui les intéresse est l’argent et le profit à court terme. Néanmoins, pour une certaine frange de la jeunesse qui a apparemment tendance à augmenter considérablement, l’existence humaine est riche de bien autre chose et elle doit prendre un sens qui dépasse les intérêts égoïstes et c’est cela qui les motive. Aussi, dans la mesure où le travail est une activité qui occupe une bonne partie de notre vie, il importe que le sens que nous lui trouvons permettent le plein épanouissement de ce qui fait notre humanité.

L’être humain est, en effet, en quête de sens. S’il ne perçoit pas le sens ce qu’il fait, de ce qu’il vit, il dépérit, il ressent un sentiment de vide et a l’impression qu’il perd quelque chose d’essentiel de son humanité. Or, le travail étant une activité difficile, parfois pénible, ingrate et qui, comme on vient de le dire, occupe la majeure partie de notre existence, il est absolument nécessaire qu’il prenne sens pour que nous puissions trouver en nous l’énergie nécessaire pour l’exercer. Si la rémunération est un élément non-négligeable de la motivation au travail, il est clair qu’elle ne suffit pas pour répondre à toutes les aspirations de l’être humain. On peut très bien recevoir un salaire conséquent, ne pas rencontrer de difficultés insurmontables dans l’effectuation des missions que l’on doit remplir et se trouver en situation de détresse et de souffrance au travail, tout simplement parce que l’on ne perçoit plus le sens de ce que l’on fait. C’est ce qu’a magistralement montré le regretté David Graeber dans son fameux livre sur les bullshit-jobs – « les boulots à la con » -, c’est-à-dire ces métiers souvent bien payés, mais qui ne servent à rien et qui donnent l’impression à ceux qui les exercent que le monde tournerait tout aussi bien – ou tout aussi mal – s’il n’avait rien fait. C’est par exemple le lot de ceux à qui l’on demande la rédaction de rapports longs et fastidieux qui, à peine terminés, sont immédiatement archivés sans être lus. On comprend bien le sentiment d’absurdité que doivent ressentir ceux qui sont chargés de telles missions. L’absence de sens leur donne l’impression d’un vide sidéral dans lequel ils ont le sentiment de s’enfoncer et finalement de se dissoudre. Le sens est donc l’un des aliments essentiels de l’être humain, il est aussi nécessaire à notre survie que les aliments que nous mangeons, l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons.

Mais que faut-il mettre derrière cette notion de sens ?

Avant d’aborder la question du sens du travail, il importe peut-être de s’interroger tout d’abord sur le sens du sens.

On peut retenir au moins, trois acceptions, trois usages possibles du terme de sens :

Les cinq sens

La direction

La signification

On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles ce même mot désigne trois choses apparemment aussi différentes. Que peut-il bien y avoir de commun entre elles pour qu’on en arrive à les désigner par le même terme ?

Si nous les prenons un à un et que nous les définissons successivement, nous pouvons mieux percevoir ce qui les réunit.

- Les cinq sens nous permettent d’entrer en relation avec le monde extérieur et aussi d’ailleurs avec nous-mêmes puisque notre corps se perçoit lui-même de manière sensible.

- La direction désigne la relation entre deux points dans l’espace, un point initial et un point d’arrivée.

- Quant à la signification elle désigne la relation entre un signe et ce qu’il désigne ou plus exactement, pour parler comme les linguistes, entre un signifiant et un signifié.

Ainsi, si l’on passe en revue ces trois usages du mot sens, on s’aperçoit qu’ils sont réunis par l’idée de relation. Et, en effet, pour qu’une chose prenne sens, il faut toujours qu’elle entre en relation avec autre chose qu’elle-même ou qu’elle soit en capacité d’entrer en relation avec elle-même. C’est l’une des raisons pour laquelle la notion de sens joue un rôle fondamental dans l’existence humaine, car le degré de conscience de soi de l’être humain est tel qu’il est capable d’établir avec lui-même, les autres et le monde qui l’entoure une relation riche et complexe.

De plus, parce qu’il est conscient, l’être humain est également un être de désir. Il n’a pas seulement des besoins qui sont principalement l’expression d’une nécessité biologique, il a aussi des désirs qui obéissent à un autre type de nécessité. On ne peut pas dire, en effet que le désir aspire à quelque chose de superflu, il obéit plutôt à une nécessité dont on pourrait dire, pour faire bref, qu’elle est de nature psychologique. Le désir est selon Spinoza « l’essence de l’homme », ce qui veut dire que nous sommes avant tout désir et que ce à quoi nous accordons de la valeur pour donner du sens à notre existence, c’est ce que nous désirons. Et le travail, aussi paradoxal que cela puisse sembler peut répondre à notre désir, si précisément, il correspond à une activité qui a suffisamment de sens pour cela.

Comme cela a déjà été évoqué, le travail n’est pas en lui-même une valeur, on ne cherche pas à travailler pour travailler. Le travail n’est pas une fin en soi, il est essentiellement un moyen. Il n’est pas une valeur, mais un moyen de produire de la valeur, de réaliser des choses auxquelles nous allons accorder plus ou moins de valeur.

Selon la philosophe Hannah Arendt, le travail n’est pas une activité par laquelle nous accomplissons pleinement notre humanité dans la mesure où il est encore attaché à notre condition animale étant donné que la plupart des choses que nous produisons par le travail sont destinées à être consommées, c’est-à-dire détruites. Vu sous cet angle, le travail ne répondrait qu’à un besoin. En revanche, une activité ne devient vraiment humaine selon Harendt que lorsque ce qu’elle produit est appelé à durer et dans ce cas, on n’est plus vraiment dans le travail, mais dans l’œuvre. Par conséquent, il me semble que pour que le travail prenne sens, pour qu’il prenne un sens suffisant pour donner du sens à l’existence, il faut qu’il dépasse la seule satisfaction des besoins et qu’il soit l’occasion de créer un certain type de lien avec le monde et avec les autres qui soit suffisamment riche pour que celui qui travaille n’ait pas le sentiment de perdre sa vie à la gagner. Ce fameux slogan du mouvement de mai 68 est intéressant dans la mesure où il joue sur les deux sens du mot vie, d’un côté la vie comme existence et de l’autre la vie au sens biologique. En effet, si je ne travaille que pour obtenir ce qui est nécessaire à ma survie, le sens de mon existence est d’une grande pauvreté et ne permet pas de répondre à des aspirations pleinement humaines. C’est d’ailleurs en ce sens que Marx considérait qu’il y avait quelque chose d’inhumain dans la condition ouvrière du XIXe siècle, puisque le travailleur était utilisé comme une simple force mécanique et n’avait comme seule rémunération que ce qui lui permettait de renouveler sa force de travail. Sous cette forme, le travail est, en effet, pauvre en sens et correspond à l’une de ses significations étymologique possible qui est le trepalium, cet instrument de torture sur lequel on attachait le supplicié. Si ce type de travail est une souffrance, ce n’est pas seulement parce qu’il est pénible, – tout travail, même celui que j’ai choisi et que j’aime, nécessite un effort et de la peine – mais surtout parce qu’il est subi. Or, ce à quoi tout être humain aspire, c’est à être actif, c’est-à-dire à être l’auteur, au moins partiellement, de ce qu’il fait et plus il perçoit le sens de l’activité qu’il exerce, plus il se sent acteur de son travail.

Seulement, parfois, ce sens n’apparaît pas immédiatement et c’est alors à ceux qui exercent des fonctions de management de le révéler. À ce sujet, je soulignerai d’ailleurs que le rôle du manager n’est pas de donner du sens au travail, ce qui sous-entendrait que le travail n’a pas initialement de sens et qu’il faut ensuite lui en donner un. Certes, il peut y avoir des métiers absurdes – les bullshit-jobs dont parle David Graeber (ex. De la fourmi qui travaille et fait vivre 10 personnes qui ne servent à rien) -, mais si une profession n’a pas de sens, celui qu’on lui donnera ne sera qu’apparent et artificiel. En revanche, un métier peut avoir un sens qui n’est pas immédiatement perçu ou perceptible et l’on s’aperçoit que lorsque ce sens apparaît, il est exercé plus efficacement. Pour illustrer cela je prendrai un exemple que j’emprunte au livre Déclic d’Hélène et Philippe Korda.

Il s’agit d’un expérience qui a eu lieu aux États-Unis États-unis auprès d’étudiants travaillant dans un centre d’appel destiné à contacter d’anciens élèves de l’Université du Michigan en vue de collecter des dons pour financer les études de jeunes issus de milieux défavorisés. En raison d’un nombre croissant de refus de dons, les opérateurs se démotivent et deviennent de moins en moins convaincants, ce qui augmente le nombre de refus. Pour sortir de ce cercle vicieux les dirigeant de cet organisme font appel au psychologue Adam Grant, alors doctorant en psychologie, pour trouver le moyen de remotiver le personnel. Tout a été essayé, et même ce qui touche à la rémunération n’aboutit pas à une amélioration des résultats. Grant décide donc de diviser les opérateurs en trois groupes et propose que l’on propose à chacun des groupes de lire un court texte avant de se mettre au travail. Le premier groupe lira un texte extrait d’un manuel de chimie, le second groupe un texte expliquant les bénéfices personnels que pourront tirer les opérateurs de leur travail. À l’issue de cette journée, les résultats des deux premiers groupes n’ont absolument pas augmenté. En revanche, il va tout autrement du troisième groupe auquel il a été demandé de lire un texte dans lequel un ancien étudiant raconte de manière poignante comment, après que ses parents lui aient annoncé qu’ils ne pourraient pas lui payer des études à l’université du Michigan, il a découvert qu’il pouvait bénéficier d’une bourse, ce qui a totalement changé sa vie. Pour ce dernier groupe, les résultats sont deux fois et demi supérieurs à la moyenne. Pour aller plus loin Grant demande à l’ancien étudiant de venir en personne raconter son histoire. Après cette séance, les performances sont multipliées par quatre. Ensuite, pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’une réaction ponctuelle liée à l’émotion, mais qui pourrait ne pas durer, Grant continue de mesurer les performances à plus long terme et s’aperçoit qu’elles ne varient plus. Le déclic s’est produit et ses conséquences s’inscrivent dans la durée.

Cette expérience nous apprend deux choses. D’une part, elle nous enseigne que ce n’est pas l’intérêt personnel qui est le facteur de motivation principal. Ici, c’est en comprenant l’impact qu’un travail peut avoir sur la vie d’autrui que les motivations se sont renforcées. Ce qui ne veut pas dire, bien évidemment, que la rémunération est un facteur négligeable, elle participe de la reconnaissance à laquelle aspire le travailleur et en bonne justice, il est absolument nécessaire que le travailleur soit rémunéré à la mesure de ses efforts. D’autre part, le second enseignement de cette expérience concerne la manière dont le sens apparaît. En effet, ce n’est pas parce que quelqu’un a indiqué aux employés le sens de leur travail que leur motivation s’est accrue, mais c’est plutôt parce qu’en leur permettant de découvrir l’impact réel qu’il peut avoir sur la vie des gens qui en bénéficient, ils ont pu construire par eux-mêmes ce sens et se l’approprier.

Ce que l’on peut voir ici, c’est que le sens se révèle à travers le vécu des uns et des autres et que lorsqu’il est perçu, il renforce le désir de parvenir au résultat que l’on vise.

Comme cela a été souligné précédemment, le sens s’inscrit toujours dans un tissu relationnel et ce que met en évidence cette expérience, c’est que lorsque les personnes qui travaillent dans un domaine parviennent à percevoir la trame de ce tissu, elles se sentent plus motivées et leur désir de bien faire s’en trouve augmenté.

Cette question du désir est réellement au cœur d’une réflexion sur le sens du travail, car si nous ne désirons pas spontanément travailler, le travail peut être l’occasion pour le désir humain de s’affirmer et de se déployer. Le travail peut aussi, bien entendu, être à l’origine d’un étouffement du désir, tout cela dépend de son organisation et de la manière dont il est pratiqué.

Le désir peut être considéré comme le moteur de la vie humaine et pour bien comprendre en quoi il consiste, il suffit de procéder à une expérience de pensée assez simple.

Imaginez qu’un matin vous réveillez sans ressentir aucun désir, pas même celui d’aller vous faire un thé ou un café. Rien ! Cet état à un nom, il se nomme la dépression et il est à l’origine pour ceux et celles qui le vivent d’une intolérable souffrance. Ce que nous apprend cette expérience, c’est que sans désir, il n’y a pas de vie possible. Le désir est le moteur de la vie humaine. Il est la puissance par laquelle nous nous maintenons en vie, pensons et agissons. En ce sens, il est probablement pour l’être humain plus fondamental que le besoin, car s’il disparaît, nous n’avons même plus la force de répondre aux nécessités de la vie. À l’inverse, nous pouvons parfois renoncer à la satisfaction de certains besoins pour satisfaire notre désir. On peut, par exemple se référer aux sacrifices que peuvent faire certains artistes pour parvenir à créer une œuvre.

S’il en va ainsi, c’est que le désir est puissance, puissance d’être, puissance d’agir et de penser. Il est en certain sens une puissance qui vise à augmenter sans cesse et c’est d’ailleurs pourquoi il est source de joie au sens où l’entend Spinoza, c’est-à-dire d’un affect qui exprime une augmentation de puissance. Il faut ici être attentif à ne pas confondre la puissance et le pouvoir, il ne s’agit pas d’exercer une domination sur autrui, mais principalement d’être en mesure d’agir pour se sentir exister et obtenir la reconnaissance d’autrui.

Agir signifie au sens strict produire un effet, être cause d’une modification du monde extérieur et cela est pour l’être humain essentiel, car ce que nous réalisons se présente à nous comme une preuve objective de notre existence. C’est le philosophe allemand Hegel qui a mis ce processus en évidence. Il souligne que l’être humain ne peut se contenter d’une impression subjective d’exister, c’est-à-dire de la conscience réflexive à laquelle il accède par la pensée. L’impression subjective ou intérieure qu’il a d’exister a besoin d’être confirmée par une preuve objective, c’est-à-dire extérieure. Ainsi, lorsque par mon travail, je réalise matériellement ce dont j’ai d’abord eu l’idée, lorsque je contemple le produit de ce travail, je vois devant moi quelque chose qui n’existerait pas si je n’étais pas là, mais qui existe indépendamment de moi. Ainsi, l’artisan qui contemple son ouvrage perçoit dans ce qu’il a réalisé une preuve objective de l’impression subjective qu’il a d’exister.

Il est indispensable, quel que soit le métier que l’on exerce, que l’on s’inscrive d’une manière ou d’une autre dans un tel processus, c’est de cette manière également que le travail prend sens puisqu’il permet d’établir un lien avec le monde extérieur. Cela peut prendre un aspect relativement modeste, mais se rendre compte que l’on agit sur le monde et que l’on a pu contribuer à l’améliorer d’une manière aussi minime soit-elle ne peut qu’enrichir le sens que l’on donne à son travail. Celui qui parvient à en tirer ce type de satisfaction n’aura pas seulement l’impression qu’il ne travaille que pour gagner sa vie, mais en prenant conscience que ce qu’il fait est utile aux autres, il lui trouvera un sens plus riche.

Ainsi, le soignant qui perçoit en quoi il contribue au mieux-être des patients dont il a la charge verra qu’il exerce une action bénéfique sur autrui et en ressentira une intense satisfaction. Bien entendu, cette satisfaction n’est pas toujours au rendez-vous, il y a des échecs, des difficultés parfois insurmontables qui ne permettent pas toujours d’atteindre ses objectifs, mais le simple fait de les viser est déjà une source de sens. Cela dit, il faut, pour que le travail prenne réellement sens, qu’il se fasse dans des conditions qui rendent pleinement possible cette expression de la puissance d’agir humaine. Car ce qui est fréquemment à l’origine d’une grande souffrance au travail de la part des soignants, c’est de voir leur travail perdre son sens initial et aller dans le sens inverse de celui pour lequel ils avaient choisi de l’exercer.

Ainsi, m’est-il arrivé à plusieurs reprises d’entendre des aides-soignant.e.s ou des infirmier.e.s me dire qu’en raison du manque de temps ou de moyens, ils ou elles ont par moment le sentiment d’être maltraitants alors que le choix de ce métier repose de toute évidence sur une intention contraire. Ne pas parvenir à aller dans le sens des valeurs au nom desquelles on a choisi d’exercer une profession peut être une source importante de souffrance au travail et s’il est indispensable que cette profession s’inscrive dans un cadre strictement défini, il ne faut pas que celui-ci soit trop rigide et ne permette pas une souplesse dans l’accomplissement des tâches, ainsi que la possibilité de prendre des initiatives et d’adapter sa manière de faire à la singularité des situations auxquelles on peut se trouver confronter.

Le processus de reconnaissance passe également par autrui, il ne suffit pas de se reconnaître dans ce que l’on fait, il faut également être reconnu par d’autres, ceux avec qui l’on travaille et ceux pour qui l’on travaille. Il faut qu’une autre conscience me renvoie une certaine perception de moi-même et de ce que je fais pour que je puisse me sentir pleinement exister. Comme cela a été précédemment souligné, il n’y a de sens qu’inscrit dans un tissu relationnel et recevoir de la part d’autrui des signes signifiant que ce que l’on fait ne laisse personne indifférent est essentiel même si cette reconnaissance souligne certaines insuffisances. Il est parfois préférable d’envoyer des signes de reconnaissance négatifs plutôt que rien, ce qui est le plus souvent interprété comme du mépris. Cela dit, lorsqu’une personne commet des erreurs dans son travail, voire commet des fautes, il n’est pas nécessaire de la réduire ce qu’elle a fait, à sa dimension négative et il est préférable de lui exprimer les critiques que l’on doit lui adresser comme une invitation à s’améliorer plutôt que comme un jugement définitif et sans appel. C’est une manière de lui révéler le sens et l’importance de ce qu’elle fait.

Si le désir humain est puissance d’agir, il est aussi désir de reconnaissance, c’est-à-dire aspiration à se retrouver dans ce que cette puissance d’agir réalise et dans le regard d’autrui qui accorde une certaine valeur à ce que l’on fait. Il ne faut pas oublier que le travail est une activité essentiellement social et que celle-ci s’exerce avec et pour autrui, c’est-à-dire dans un tissu relationnel. Aussi, parmi les conditions qui contribuent à faire advenir le sens du travail, il y a la confiance, c’est-à-dire la croyance en la capacité de l’autre de bien faire. Il est important ici de souligner en quoi la confiance est une croyance. En effet, l’autre, je ne peux pas le connaître, je ne peux pas savoir « ce qui se passe dans sa tête », je peux que le supposer, c’est en ce sens que la confiance est une croyance, elle désigne littéralement la foi en l’autre. Ce que l’on remarque assez fréquemment, c’est que si l’on montre à une personne que l’on croit en elle, elle aura tendance à vouloir confirmer cette croyance et à s’améliorer, alors qu’à l’inverse celui en qui l’on ne croit pas ne parviendra pas nécessairement à progresser.

Cela signifie d’ailleurs qu’un management bienveillant doit également être un management exigeant, car veiller au bien de l’autre ce n’est pas faire preuve de complaisance à son égard, mais au contraire demander à la personne que l’on accompagne de donner le meilleur d’elle-même, ce qui n’est possible que si l’on croit en elle. Être exigeant envers autrui, c’est nécessairement croire en lui, c’est lui signifier qu’on l’estime capable de progresser. Bien entendu, l’exigence ne doit pas être démesurée, il ne faut pas adopter l’attitude perverse qui consiste à exiger d’autrui ce qu’il est incapable de faire pour le mettre en situation d’échec. Ce qu’il faut surtout lui montrer, c’est qu’il est capable de se rendre utile aux autres, c’est-à-dire de mettre sa puissance d’agir au profit de celle des autres. Travailler consiste, nous l’avons dit, à produire des biens et des services pour autrui et accomplir un travail qui a du sens, c’est également s’inscrire dans cette dynamique d’utilité au sens fort de ce terme. Il ne s’agit pas d’être utile dans un sens purement utilitariste, c’est-à-dire d’être réduit à l’état d’instrument en vue d’une finalité dont on ignore la véritable nature ou pire que l’on réprouve, mais que l’on contribue à réaliser par son travail uniquement pour gagner sa vie. Il s’agit plutôt d’être utile au sens où l’entend un philosophe comme Spinoza qui définit l’utile comme ce qui augmente la puissance d’agir des êtres humains, ce qui les rend actifs, c’est-à-dire capable de vivre activement et donc de ne pas subir leur existence.

En ce sens, toutes les professions qui relèvent du soin, du care, sont porteuses de sens, encore faut-il comme cela a déjà été dit qu’elle puisse s’exercer dans des conditions qui permettent à ce sens d’advenir.

Enfin, pour terminer, j’aimerais insister sur un point qui me tient fort à cœur et qui me semble essentiel pour faire apparaître le sens que nous pouvons donner à notre travail. Je veux parler de notre capacité à accepter ou non notre vulnérabilité et à en faire un critère pour juger du sens du travail que nous accomplissons. Cette notion de vulnérabilité, je l’emprunte aux éthiques du care qui se sont principalement développées à partir des années 80 aux États-Unis sous l’impulsion de femmes comme Carol Gilligan ou Joan Tronto qui ont renouvelé la philosophie morale en en modifiant les paradigmes, c’est-à-dire en partant de l’idée que l’être humain n’est pas un être foncièrement autonome, mais plutôt vulnérable. La vulnérabilité étant ici comprise au sens de dépendance. En effet, nous avons communément tendance à considérer comme vulnérable les personnes que nous jugeons dépendantes, les nourrissons, les enfants, les personnes âgées, malades ou en situation de précarité. Aussi, en conséquence, nous avons également tendance à considérer toutes les personnes qui ne rentrent pas dans ces catégories comme indépendantes, voire invulnérables. En réalité, nous savons tous au plus profond de nous-mêmes que nous sommes tous vulnérables parce que nous avons tous besoin les uns des autres pour vivre et développer ce qui fait notre humanité. C’est en ce sens que les éthiques du care – le care ne se résumant pas au soin, mais désignant également l’importance accordée aux personnes et aux choses, la sollicitude, la solidarité et l’entraide – ont développé une réflexion dans laquelle ce qui compte pour donner du sens à l’existence humaine, c’est précisément de prendre soin de soi et des autres et de contribuer à un épanouissement réciproque de soi et d’autrui. Cela rejoint une idée que l’on retrouve chez un philosophe qui m’est cher comme Spinoza et qui met en évidence dans son éthique, mais aussi dans sa philosophie politique, qu’en contribuant à l’augmentation de la puissance d’agir des autres, je contribue également à l’accroissement de la mienne et réciproquement. Autrement dit, pour développer pleinement notre humanité, pour nous épanouir, nous devons nous efforcer dans le but de faire coïncider l’utile propre et l’utile commun, c’est-à-dire ce qui contribue à l’augmentation de ma puissance d’agir et de celle d’autrui. Ainsi, le monde du soin est un exemple illustrant parfaitement cette idée. Plus un soignant contribue à améliorer les conditions de vie de ses patients, plus il voit sa puissance et la leur augmenter et c’est ce qui pour lui fait sens.

Par conséquent, le meilleur moyen de juger si le métier que j’exerce à un sens qui me permet de m’accomplir en tant qu’être humain, c’est de prendre comme pierre de touche, cette dimension du care. Est-ce que ce que je fais est vraiment utile aux autres, au sens où cela contribue à l’augmentation de leur puissance d’être et d’agir ? Mais pour se poser une telle question, il faut d’abord avoir pris conscience de sa vulnérabilité foncière et être en mesure de l’assumer pleinement.

Selon Paul Ricœur, la visée éthique consiste dans la « visée de la vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes ». On peut donc en conclure que plus un travail me permet d’avoir le sentiment que je vis une vie qui mérite d’être vécue, une vie pleinement humaine, en collaborant avec mes semblables pour leur permettre également de vivre une vie digne d’un être humain et que ce travail s’exerce dans une société organisée de telle sorte que tous et chacun puissent dispenser et jouir de tous les bienfaits que les êtres humains peuvent produire les uns pour les autres, plus ce travail a de sens.

Éric Delassus

Le travail est-il une valeur ?

Posted in Articles on juin 5th, 2022 by admin – Commentaires fermés

On entend souvent parler de la « valeur-travail », mais que faut-il entendre par là ?

Souvent, cette expression est employée pour exprimer l’opinion selon laquelle nous aurions perdu le goût de l’effort et de la perfection. Ainsi explique-t-on la désinvolture de certains dans le monde professionnel par une perte du sens des valeurs et plus particulièrement de la valeur travail. Mais le travail est-il en soi une valeur ?

Pour répondre à cette question, peut-être faut-il d’abord commencer par définir ce qu’est une valeur. Une valeur, c’est tout d’abord quelque chose de désirable. En effet, nous n’accordons de valeur qu’aux choses que nous désirons. Si j’aime le chocolat et que je n’aime pas le citron, j’accorderai plus de valeur au premier aliment qu’au second. Peut-on alors dire que le travail a en soi une valeur et qu’il est désirable ?

En fait, tout dépend du travail que j’effectue. Si j’aime mon travail, si j’ai le sentiment de m’épanouir et de m’accomplir lorsque j’accomplis les tâches qui lui sont liées, il aura, en effet, pour moi, de la valeur. En revanche, si je ne travaille que pour gagner ma vie, mais que je n’aime guère ce que je fais, il en aura beaucoup moins. Il ne sera que le moyen de me procurer ce qui pour moi a de la valeur, soit parce que j’en ai besoin (nourriture, logement, etc.) soit parce que je le désire (loisir, plaisir, etc.). Par conséquent, le travail n’a pas de valeur en soi, il n’est qu’un moyen, une occasion de faire ce que j’aime ou ce par quoi je peux obtenir ce à quoi j’accorde de la valeur.

Néanmoins, si le travail n’est pas, à proprement parler, une valeur, il n’est pas non plus totalement étranger à la notion de valeur. Tout d’abord, au sens économique, le travail est producteur de valeur. Travailler pour produire des biens et des services consiste à accomplir une tâche par laquelle on va contribuer à agir sur le réel pour le transformer et lui donner ce que l’on appelle une valeur ajoutée.

Mais, nous dira-t-on, la question n’est pas ici purement économique, elle présente aussi un caractère moral ou éthique. Lorsque l’on déplore la dévalorisation dur travail, c’est surtout au nom d’une certaine morale qu’on le fait. C’est au nom d’une morale qui valorise l’effort, l’abnégation, le souci de bien faire et de se rendre utile, toutes ces valeurs qui auraient été supplantées par la recherche de la jouissance facile et immédiate. Cependant, même dans envisagé selon cette optique, le travail ne serait pas à proprement parler une valeur, il serait plutôt une activité par laquelle pourrait se révéler certaines vertus morales qui pourraient se manifester dans le but d’agir au nom de certaines valeurs sociales et altruistes.

La question qu’il faut alors se poser est celle de savoir si le travail, tel qu’il est pratiqué et organisé aujourd’hui, contribue toujours à la réalisation de ces valeurs ?

La question qui se pose alors n’est plus celle de la valeur du travail, mais celle de son sens.

Si les tâches que j’effectue chaque jour dans ma vie professionnelle n’ont d’autre but que, par exemple, d’inciter le grand public à consommer des objets dont la valeur est toute relative et dont la production est nuisible pour l’environnement, je n’y mettrai peut-être pas le même enthousiasme que si j’exerce une profession dont je perçois concrètement l’utilité sociale. Si mon travail ne consiste que dans l’un de ces fameux « bullshit-jobs » dénoncés par David Graeber, j’aurai certainement beaucoup à percevoir l’exercice de cette activité comme désirable. Si je ne travaille que pour gagner ma vie, le sens de l’activité que j’exerce s’en trouvera cruellement appauvrie.

Aussi, plutôt que de déplorer la perte de cette fameuse « valeur travail » qui n’a finalement guère de sens, préoccupons-nous plutôt de donner du sens au travail en faisant en sorte que chacun, quoi qu’il fasse, perçoive que son activité n’est pas vaine, mais qu’elle est digne d’un être humain et qu’elle est l’occasion de développer en soi des vertus qui ne demandent qu’à se manifester et de contribuer à la promotion de valeurs allant dans le sens d’une humanité toujours plus humaine.

 

Éric Delassus

Émergence de nouvelles pratiques managériales et vulnérabilité

Posted in Articles on octobre 1st, 2016 by admin – Commentaires fermés

Émergence de nouvelles pratiques managériales et vulnérabilité

http://www.managementinternational.ca/catalog/emergence-de-nouvelles-pratiques-manageriales-et-vulnerabilite.html

RÉSUMÉ: La notion de vulnérabilité issue des éthiques du care, pourrait-elle trouver sa place dans une refondation de la pensée managériale ? Les nouvelles formes d’organisation du travail, qui valorisent plus les relations entre les personnes que les performances individuelles, pourraient intégrer cette notion pour faire émerger un management humaniste favorisant la confiance et la sollicitude. Une culture de la responsabilité remettant en cause une vision gestionnaire des relations humaines et prenant en compte de la singularité de chacun verrait alors le jour. L’autorité du manager, plus compréhensive envers autrui et soucieuse de le faire progresser,
y trouverait une nouvelle légitimité.

Mots clés : Vulnérabilité, care, personne, travail collaboratif, nouvelles pratiques managériales

 

Emergence of New Managerial Practices and Vulnerability

ABSTRACT: Could the notion of vulnerability, which comes from care ethics, find its place in the refounding of managerial thinking? From new forms of work organisation that value relationships between persons rather than individual performance through the integration of this notion, there might emerge a humanist management promoting confidence and solicitude. A responsible approach challenging a managemental vision of human relationships and considering each person’s singularity would result. The authority of the manager would thus find a new legitimacy through him or her showing more understanding and concern, enabling staff to progress.

Keywords: Vulnerability, care, person, teamwork, new managerial practices

 

Nacimiento de nuevas prácticas de liderazgo y vulnerabilidad

RESUMEN: La noción de vulnerabilidad surge de las éticas de los principios corporativos, ¿Podría encontrar su estabilidad en una reconstrucción de los fundamentos del liderazgo? Las nuevas formas de organización laboral valorizan más las relaciones entre los individuos que sus logros personales; esta noción emergente podría integrar un liderazgo humanista que estimula la confianza y la colaboración. Una cultura de responsabilidad que reevalúa su visión funcional sobre las relaciones humanas y que considera la singularidad de cada individuo, emergerá entonces algún día. Los dirigentes que se enfocan en un liderazgo más comprensivo de los demás y que se interesan en su evolución y su progreso encontrarán en ella una legitimidad.

Palabras clave: Vulnerabilidad, atención, persona, trabajo en equipo, nuevas prácticas liderales

Télécharges l’intégralité de l’article sur le site de la revue Management internationalehttp://www.managementinternational.ca/catalog/emergence-de-nouvelles-pratiques-manageriales-et-vulnerabilite.html

 

La personne – De l’individu à la personne

Posted in Articles on juin 4th, 2016 by admin – Commentaires fermés

La personne

De l’individu à la personne

Si la naissance de l’individu moderne a joué un rôle émancipateur indiscutable en libérant l’homme des pesanteurs sociales et communautaires auxquelles il était soumis jusque-là, il est temps aujourd’hui de dépasser l’individualisme pour se protéger des dérives auxquelles il pourrait conduire dans le contexte contemporain. Réduit essentiellement à sa dimension économique, à son statut d’homo oeconomicus, l’individu contemporain pourrait se laisser tenter par le repli sur soi et par un égoïsme mortifère négligeant toute forme de respect pour la personne humaine.

Par conséquent, la nécessité ne s’impose-t-elle pas à nous, pour sortir des impasses vers lesquelles nous pourrions être entraînés, d’interroger et de revisiter le concept de personne, en insistant principalement sur sa dimension relationnelle ?

Site de l’éditeur : http://librairie.studyrama.com/produit/3732/9782749535401/La%20personne%20

Manager selon le care – Article paru dans la revue Qualitique (N° 266 – Décembre 2015).

Posted in Articles on février 28th, 2016 by admin – Commentaires fermés

Le terme de management présente cette particularité d’apparaître aux francophones que nous sommes comme un anglicisme, alors qu’en réalité, il tire son origine de la langue française. Parti du français vers l’anglais, il nous est revenu pour désigner ce que certains nomment la gestion des ressources humaines et qu’il serait peut-être plus judicieux d’appeler l’art de diriger et d’accompagner les hommes au travail. Ce terme présente une telle polysémie qu’il peut aussi bien évoquer le dressage des animaux – la ménagerie – que l’administration domestique – la gestion du ménage. D’un côté, il évoque l’exercice d’une autorité qui n’est pas nécessairement bienveillante et qui laisse peu de place à l’initiative et à la liberté, de l’autre, il évoque une forme d’administration – la gestion – qui apparaît comme relevant plus de la prise en considération de données quantitatives que du souci de la qualité de vie des êtres humains dans une organisation à l’intérieur de laquelle ils ont à accomplir des tâches qu’ils n’ont pas toujours le désir d’effectuer.

Envisagé sous cet angle, le management peut être interprété comme une entreprise de manipulation des consciences et des désirs humains dans le but de faire travailler des hommes qui n’en ont pas toujours le désir. Il peut procéder d’une autorité contraignante ou de processus plus insidieux donnant à ceux sur qui il s’exerce l’illusion qu’ils exécutent de bon gré ce qu’en réalité, il préférerait ne pas avoir à faire. Cette description peut paraître caricaturale, néanmoins, même si elle ne correspond pas toujours à la réalité, elle renvoie à une représentation du management présente dans l’esprit d’un grand nombre de nos contemporains.

Or, « manager » peut prendre une toute autre signification. Si ce terme évoque la ménagerie et la gestion du ménage, il se trouve aussi en rapport avec le verbe « ménager » qui peut également signifier « prendre soin de ».

La gestion semble plus concerner l’administration des choses que le gouvernement des hommes, c’est pourquoi le management semble relever d’une pratique d’une toute autre nature. Aussi, est-il possible de développer une nouvelle conception du management envisagé comme l’art de faire entrer en relation des personnes pour les faire travailler ensemble (Mintzberg, 2005) avec la conscience qu’il n’est pas nécessaire pour être efficace de se forger une âme d’acier dans un monde où ne règne qu’une impitoyable concurrence. Bien au contraire, il apparaît que manager devrait plutôt signifier aujourd’hui se percevoir comme un homme vulnérable accompagnant et dirigeant d’autres hommes vulnérables, c’est-à-dire qui dépendent les uns des autres pour se rendre utiles socialement.

C’est précisément sur cette notion de dépendance qu’il importe d’insister aujourd’hui pour proposer une nouvelle approche du management et des pratiques managériales s’inspirant principalement des apports des éthiques du care et plaçant au cœur même des relations de travail la notion de vulnérabilité.

En effet, les relations humaines dans le monde du travail, si elles ne sont pas vécues sur le seul mode de la sujétion du subordonné à son supérieur, sont le plus souvent réduites à une relation contractuelle entre l’employeur et l’employé considérés chacun comme des individus totalement autonomes. Une autre grille de lecture est cependant possible. Il s’agit de remettre en question la notion d’autonomie qui n’est peut-être finalement qu’une fiction pour lui substituer celle de vulnérabilité et d’interpréter et de concevoir de nouvelles manières d’être à travers ce prisme. La question désormais centrale est la suivante : comment penser les relations entre les personnes à l’intérieur des organisations, et principalement dans les entreprises et le monde du travail, en les considérant non plus comme l’ensemble des rapports qu’entretiennent entre eux des individus autonomes, mais comme la rencontre d’hommes vulnérables, c’est-à-dire dépendants les uns des autres ?

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Penser la santé au-delà des normes

Posted in Articles on avril 19th, 2015 by admin – Commentaires fermés

Lorsque l’on s’interroge sur la question du rapport entre santé et maladie, on est facilement tenté de placer la santé du côté de la norme et la maladie du côté de son contraire : l’anormal ou le pathologique. Envisagée ainsi, la santé apparaît comme un état d’équilibre, stable et quasi-parfait qui se trouverait altéré dès que le corps est affecté par une pathologie quelconque. La santé serait, en un certain sens, la réalisation de l’essence même de ce que doit être un organisme fonctionnant pour le mieux, et la maladie une sorte de corruption de cet état. Cependant, dès qu’on regarde la question d’un peu plus près, on s’aperçoit très vite que les choses ne sont pas si simples et que la santé des uns n’est pas celle des autres, qu’elle ne consiste pas nécessairement dans l’absence de maladie, qu’il est des malades dont la santé nous étonne et à l’inverse des individus apparemment atteints d’aucune pathologie particulière et qui pourtant donnent toujours l’impression d’être maladifs et de santé précaire.
S’il en va ainsi, c’est peut-être parce que la maladie et la santé ne se réduisent pas à des données objectives, mais se manifestent d’abord comme des expériences qui sont de l’ordre du vécu.

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Éthiques du goût – rencontre – dédicace

Posted in Articles on février 22nd, 2015 by admin – Commentaires fermés

Faire du goût une notion éthique peut sembler étrange et incongru. C’est pourtant ce qu’ont tenté de faire les auteurs de l’ouvrage collectif Éthiques du goût réalisé sous la direction de Sylvie Dallet et Eric Delassus et publié en juin 2014 aux Editions L’hamarttan.
En croisant différents regards, scientifiques, artistiques, philosophiques, et d’autres peut être plus difficiles à étiqueter, le goût, décliné sous toutes ses facettes, révèle sa capacité à nous conduire sur le chemin de la vie bonne, d’une vie dont les saveurs multiples cultivent le goût de vivre.
Sylvie Dallet, Eric Delassus, Sylvie Lopez-Jacob et Diane Watteau vous invitent à venir assister à la présentation de ce recueil de textes à la médiathèque de Bourges le 26 mars 2015 à 19h00.
Une vente de livres de ces quatre auteurs sera assurée par la librairie La Poterne et la soirée se clôturera par une séance de dédicace.

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Être malade : accepter pour résister

Posted in Articles on novembre 12th, 2014 by admin – Commentaires fermés

Intervention prononcée le 07 octobre 2014 à l’ENS de Lyon pour le séminaire organisé dans le cadre du Collège Internationale de Philosophie par Julie Henry : Relire l’éthique en santé à l’aune d’une anthropologie spinoziste : Philosophie de l’âge classique et médecine d’aujourd’hui.


Résumé : L’acceptation est souvent assimilée à la résignation, c’est-à-dire à une attitude passive de soumission. Or, si l’on comprend l’acceptation comme l’acte par lequel celui qui comprend ce qui lui arrive en prend acte, sans pour autant l’approuver, mais au contraire pour mieux s’y opposer, elle peut apparaître comme le chemin qu’il faut nécessairement emprunter pour mieux résister aux assauts des causes externes qui pourraient nous détruire. C’est en ce sens qu’être malade, qui ne signifie pas tout à fait la même chose qu’avoir une maladie, nécessite que soit emprunté un tel chemin. Dans la mesure où la compréhension des causes qui nous déterminent nous rend nécessairement plus puissants, notre conatus, cet effort par lequel nous persévérons dans l’être, ne peut que se trouver renforcé par l’acceptation en nous donnant la « force d’âme » indispensable pour appréhender la maladie avec une certaine équanimité. Reste à définir les modalités d’une telle compréhension. Si pour le philosophe, cela passe par la connaissance intuitive, pour l’ignorant qui en reste à la connaissance imaginative, cela passe certainement par le récit qui permet au malade d’être l’auteur d’une reconfiguration cohérente des événements heureux ou malheureux qui jalonnent son existence.

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Sagesse de l’homme vulnérable

Posted in Articles on août 26th, 2014 by admin – Commentaires fermés

Vous pouvez désormais trouver la majeure partie de mes articles publiés dans un recueil en deux volumes aux éditions L’Harmattan.

LA PRÉCARITÉ DE LA VIE
Sagesse de l’homme vulnérable (Volume 1)
ISBN : 978-2-343-03871-1 • septembre 2014 • 146 page
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44324&razSqlClone=1

LA QUÊTE DE LA SAGESSE
Sagesse de l’homme vulnérable (Volume 2)
ISBN : 978-2-336-30711-4 • septembre 2014 • 140 pages
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44323&razSqlClone=1

Eric Delassus
PHILOSOPHIE

 

Les hommes sont dépendants de la nature toute entière et, par conséquent, ils sont dépendants les uns des autres. Cette dépendance n’est pas un signe de faiblesse. C’est elle qui, lorsqu’elle est bien ordonnée, empêche les hommes de devenir ennemis les uns des autres. Il faut donc à l’homme vulnérable une sagesse pour l’inviter à faire preuve d’autant de sollicitude qu’il est possible envers ses semblables. Que peut bien être la sagesse de l’homme vulnérable ?

 

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Combattre la haine

Posted in Articles on décembre 21st, 2013 by admin – Commentaires fermés

« Ne pas rire des actions des hommes, ne pas les déplorer, encore moins les maudire, mais seulement les comprendre », Spinoza.

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RENOUVEAU DE LA PERSONNE ET ÉMERGENCE DU SENS – Pour un management éthique

Posted in Articles on septembre 10th, 2013 by admin – Commentaires fermés

Si l’apparition de la notion d’individu dans le paysage intellectuel occidental et sa diffusion dans les mentalités fut un facteur indéniable d’émancipation au cours de l’époque moderne, les excès auxquels conduit aujourd’hui le développement de l’individualisme nous invite à penser son dépassement. Les sociétés et les entités qui les composent ne peuvent se réduire à des agrégats d’individus et les rapports entre les hommes ne se limitent pas à leur dimension contractuelle. Envisager ainsi les relations humaines pourrait conduire à une nouvelle forme de barbarie occultant la reconnaissance de l’altérité dans la construction de nos diverses identités. L’une des voies possibles pour échapper à ce risque de déshumanisation serait de revisiter la notion de personne en insistant sur sa dimension relationnelle et sa capacité à donner du sens à nos existences. Cette voie pourrait conduire dans les pratiques managériales à renouveler les modalités selon lesquelles se constituent les relations humaines dans le monde du travail. Une telle démarche contribuerait à expérimenter ou développer, non pas une éthique du management, mais un management véritablement éthique, c’est-à-dire une manière de travailler et de diriger les hommes respectueuse de leur singularité et prenant en considération leur vulnérabilité.

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SENS ET TRAVAIL

Posted in Articles on septembre 1st, 2013 by admin – Commentaires fermés

Les hommes sont toujours en quête de sens. Quoiqu’ils fassent, quoiqu’ils subissent, il faut que cela ait un sens, il faut que cela signifie quelque chose. Il nous faut donc nous interroger sur ce qui pousse les hommes à toujours vouloir donner un sens à ce qu’ils font et sur ce que nous pourrions appeler les vertus du sens. En effet, une activité, même pénible, procure au sujet qui l’accomplit une certaine satisfaction s’il parvient à lui donner un sens. Aussi, est-il important pour un manager de s’interroger sur le travail et sur la nécessité de lui donner un sens pour qu’il ne soit pas vécu sur la mode de la souffrance et de la contrainte.

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Refus de traitement : aider le malade à mieux se comprendre

Posted in Billets on juin 15th, 2011 by admin – Commentaires fermés

Le refus de traitement de la part du malade peut confronter les soignants à un dilemme apparemment insoluble opposant principe d’autonomie et principe de bienfaisance. Le souci de respecter la liberté du malade pourrait conduire à abandonner ce dernier à son triste sort tandis que la volonté de lui venir en aide pourrait avoir pour conséquence de le soigner contre son gré. Pour sortir de cette insupportable tension, il apparaît nécessaire d’adopter une démarche compréhensive. S’efforcer de cerner avec le malade les raisons qui déterminent son attitude peut aider ce dernier à effectuer un choix réellement éclairé et peut-être à réorienter sa décision. Il convient cependant de prendre garde à ce que cet accompagnement du malade ne se transforme pas en harcèlement dans le but de le faire changer d’avis à tout prix. Le soignant doit aussi apprendre à accepter de l’autre le refus du bien qu’il veut lui faire.


Article publié dans la revue ÉTHIQUE ET SANTÉ, Volume 8, numéro 2, pages 101-105 (juin 2011)

 

La mort donne-t-elle un sens à la vie ?

Posted in Propos on mars 13th, 2011 by admin – Commentaires fermés

Si beaucoup d’entre nous nourrissent des fantasmes d’immortalité, il n’est pas certain qu’ils aient réellement réfléchie aux conséquences que pourraient avoir pour eux une vie aussi interminable qu’une journée qui ne trouverait pas sa conclusion dans le sommeil, cette petite mort qui vient clore chacun des jours de notre vie.

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