Des raisons d’aimer son travail
Posted in Articles on mars 18th, 2025 by admin – Commentaires fermésParmi les diverses raisons qui peuvent nous faire aimer notre travail, il y en a au moins deux qui sont essentielles. L’une est liée à la nature même de l’activité effectuée, l’autre aux conséquences que celle-ci entraîne sur autrui.
En effet, on peut aimer son travail pour lui-même, parce que le fait de l’accomplir est source de plaisir ou de joie du fait même des gestes que l’on effectue, de la nature de la matière que l’on transforme et que parfois l’on magnifie. Ainsi l’ébéniste aimera le contact du bois, la sensation que lui procure le fait de le couper, le tailler, le sculpter, le caresser parfois. Il peut y a voir quelque chose de sensuel dans le travail. Alain écrit que le travail de l’artisan consiste à se confronter à la « résistance de la matière ». C’est vrai, mais cette résistance, on ne la vainc pas nécessairement par la force, on ne fait pas violence au matériau que l’on travaille, on s’efforce plutôt de tirer parti de sa forme, de la singularité de sa structure. Ainsi, le sculpteur n’imposera pas une forme au bois ou à la pierre, il épousera la forme que lui a donné la nature pour la magnifier et saura faire ressortir telle courbe ou telle aspérité pour l’inscrire dans une harmonie qui conjuguera l’art et la nature. C’est également ce que peut faire le cuisinier qui saura utiliser non seulement les saveurs, les arômes, mais aussi les couleurs et les formes des produits qu’il va accommoder pour réaliser un plat. La satisfaction peut aussi être d’ordre intellectuel. Elle l’est d’ailleurs toujours, puisque travailler consiste d’abord à mettre en forme. Or, la forme, c’est l’idée. Tout travail suppose donc la réalisation d’une idée, d’une production de l’intellect et de l’imagination. Néanmoins, certaines tâches feront plus appel au raisonnement que d’autres. Ainsi, le comptable pourra trouver sa jouissance dans la manipulation des chiffres, l’enseignant dans la conception de la meilleure manière de transmettre une idée, un savoir, l’informaticien dans l’usage d’un langage qui permet de générer du code et de concevoir des algorithmes. Tout cela est lié à la nature même de l’activité que l’on exerce et du « matériau » que l’on travaille.
Mais nous dira-t-on, ce n’est pas toujours le cas et ce n’est pas toujours suffisant.
Ce n’est pas toujours le cas, car certaines tâches sont souvent ingrates et il n’y a guère de métiers dans lesquels il n’y a jamais une part du travail qui s’avère déplaisant, ennuyeux, proprement laborieux… Il y en a même pour lesquels la part pénible l’emporte largement. Occuper un poste sur une chaîne de montage comme le Charlot des Temps modernes, être hôtesse de caisse dans une grande surface, de telles professions sont souvent perçues comme très pénibles du fait de leur caractère répétitif qui semble réduire la personne à une simple force mécanique. Aussi, de telles tâches sont souvent qualifiées d’aliénantes et d’asservissantes. Il est cependant des tâches qui peuvent sembler ingrates et qui n’en sont pas moins source de joie pour ceux qui les accomplissent. C’est, par exemple, certaines de celles que doivent effectuer quotidiennement les professionnels du soin. Faire la toilette d’un malade ou d’une personne âgée, soulager un patient incontinent de ses excréments, panser une escarre ou une plaie purulente, rien de tout cela ne parait ragoûtant. Et pourtant, ceux qui ont pour mission de prendre soin des autres le font le plus souvent sans rechigner et tire une incomparable satisfaction du bien qu’il procure à autrui.
Aussi, parmi les raisons d’aimer son travail, il faudrait insister beaucoup plus sur le bien qu’il fait à ceux à qui il est destiné. Si le travail en soi n’est pas une valeur, comme voudrait le faire croire ceux qui nous parle sans cesse de la valeur travail, il peut, lorsqu’il présente une indéniable utilité sociale, contribuer au développement et à l’expression de nombreuses vertus comme la générosité, la solidarité ou la sollicitude et concourir à la promotion de valeur comme la justice ou le bien commun. Aussi, pouvons-nous penser comme l’exprime Pascale Molinier dans son livre Le travail du care qu’une société plus humaine, ce qu’elle appelle une société du care, serait certainement une société qui placerait non pas le travail au centre de son mode de fonctionnement, mais le souci des autres. Cela ne dévaloriserait pas le travail, bien au contraire, car si le travail n’est pas une valeur, il peut avoir une valeur et cette valeur tient en grande partie à son utilité sociale, au fait qu’il contribue au bien d’autrui et va dans le sens du bien commun.
Comme l’écrit Pascale Molinier :
Dans une société du care, l’épicentre, ce n’est pas le travail mais le souci des autres. Or ceci a des conséquences sur la définition du travail. En partant du souci des autres, on n’abandonne pas la centralité du travail, mais on la redéfinit en fonction des préoccupations du care.