La personne  - Eric Delassus - Editions Bréal
La personne

Santé du corps et santé de l’esprit — Les apports de l’éthique de Spinoza à l’éthique médicale

Dans la lettre à Oldenburg du 7 février 1676 Spinoza écrit qu’il n’appartient pas « à la nature de tout homme d’avoir une âme forte et qu’il n’est pas plus en notre pouvoir de posséder la santé du corps que celle de l’âme ».
La proposition XXXIX de la cinquième partie de l’Éthique nous dit également : « Qui a un corps apte à un très grand nombre de choses, a un esprit dont la plus grande part est éternelle ».

La lecture de ces deux citations pourrait nous conduire à penser que pour Spinoza : d’une part, les hommes n’ont aucun pouvoir sur eux-mêmes en raison du déterminisme universel auquel ils sont soumis, et que, d’autre part l’esprit ou l’âme étant l’idée du corps, la santé de l’esprit est à ce point dépendante de celle du corps, que la maladie fermerait la voie vers le salut pour quiconque en serait affecté.

Autrement dit, cette conception des rapports entre l’esprit et le corps laisserait apparemment sous entendre que, pour celui dont les aptitudes du corps sont inférieures à la normale, l’accès à la béatitude et à l’éternité serait fortement compromis.

Il semblerait donc, à première vue, que pour Spinoza, non seulement nous ne maîtrisons pas les affections dont nous sommes les objets (il n’est pas plus en notre pouvoir de posséder la santé du corps que celle de l’esprit) mais que d’autre part, il existe une telle dépendance entre le corps et l’esprit que la diminution de la puissance du corps ne peut avoir pour conséquence que la faiblesse de l’esprit. Si, en effet, les aptitudes de mon corps déterminent la part de mon esprit pouvant accéder à l’éternité, la perte de certaines de ces aptitudes (perte qui peut résulter de la maladie) ne peut que compromettre le salut de l’esprit.Cependant, si l’on se réfère à la vie de Spinoza, il apparaît que les faits contredisent cette interprétation. Spinoza était lui-même malade (il a vécu toute sa vie en souffrant d’une affection pulmonaire qui l’obligeait à garder la chambre des jours entiers). Cela ne l’a pas empêché de rédiger son œuvre et d’atteindre – ses biographes le confirment -, une sagesse et une sérénité qui l’ont accompagné jusque dans ses derniers moments.

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