Le sens et la valeur de l’altérité
À la suite de mon précédent article sur la notion d’altérité, j’aimerais le compléter et poursuivre cette réflexion en insistant sur les raisons pour lesquelles il est essentiel de valoriser celle-ci, principalement dans les organisations. En effet, la vision taylorienne du travail a atteint ses limites et a suffisamment montré qu’elle était porteuse d’effets pervers pour que l’on passe à autre chose. En effet, le temps où l’on considérait l’être humain au travail comme un individu substituable à un autre est révolu. Cette manière de considérer l’être humain au travail en l’assimilant à une chose ne devrait plus avoir cours aujourd’hui. D’une part, parce que de nombreuses tâches répétitives qui devaient être accomplies par des êtres humains à l’époque de Taylor sont désormais effectuées par des machines. D’autre part, parce que même lorsqu’il s’agit de tâches de simple exécution, on s’aperçoit que chaque personne les effectue à sa manière et qu’il est souvent profitable à une organisation, comme une entreprise, de laisser les individualités s’exprimer, ce qui est généralement une source inépuisable d’innovation. L’altérité de l’autre – et ce n’est pas un pléonasme d’utiliser cette expression – c’est ce qui fait son originalité, sa singularité, ce qui fait qu’il n’a pas son pareil et qu’il possède des caractéristiques, des aptitudes qu’il est le seul à posséder. Par conséquent, prendre en considération cette altérité, c’est nécessairement accorder de la valeur à ce qui fait d’un être humain une personne. Valoriser l’altérité, c’est donc respecter la personne.
Ce respect de la personne dans une entreprise est un impératif inconditionnel sur le plan éthique, mais qui peut par surcroit, être porteur de conséquences favorables tant pour les personnes prises individuellement que pour l’organisation tout entière. Ainsi, en valorisant l’altérité et la singularité, il est possible de conjuguer la valeur accordée à la personne prise individuellement et celle qu’il faut nécessairement attribuer à la dimension collective du travail. Un collectif de travail n’est pas un ensemble d’individus uniformes, mais une communauté de personnes toutes différentes les unes des autres et c’est cette différence qui en fait la richesse et la puissance créatrice.
En effet, nier ou mépriser cette altérité, cette singularité qui fait que chacun est unique, irremplaçable et n’a pas son pareil, c’est passer à côté d’aptitudes que la personne peut développer à l’intérieur de l’entreprise et mettre au service de celle-ci et plus largement de la collectivité dans son intégralité.
Il est donc essentiel de reconnaître cette altérité dans les organisations, elle peut être une source de joie pour la personne qui vivra sa présence dans l’organisation comme l’occasion de développer sa puissance de penser et d’agir, elle est aussi une richesse pour l’organisation elle-même et la collectivité au service de laquelle elle fonctionne, puisque le développement des aptitudes singulières de chacun est généralement une source d’innovation et de progrès.
Éric Delassus