La personne  - Eric Delassus - Editions Bréal
La personne

Matthieu – Ricard Carnets d’un moine errant

Il pourrait sembler étrange, voire contradictoire, qu’un moine bouddhiste rédige son autobiographie. Ce genre littéraire incite aisément à la glorification dont le bouddhisme souligne cependant la vacuité et le caractère illusoire. La croyance en une réalité substantielle de l’ego est l’une des causes de cette souffrance dont le bouddhisme s’efforce de nous libérer. Néanmoins, une lecture attentive de ce livre nous fait découvrir tout autre chose et nous comprenons rapidement que la posture de l’auteur n’est en rien narcissique, bien au contraire. Loin d’être un récit tournant essentiellement autour de la personne de son auteur, ce livre se présent plutôt comme une galerie de portraits. Si Matthieu Ricard relate son parcours dans ce livre, c’est toujours à travers les autres qu’il le fait, afin de montrer en quoi c’est tout d’abord grâce à eux qu’il a pu emprunter les chemins qui se sont présentés à lui au cours de son existence et réaliser le destin qui est le sien. Ainsi évoque-t-il ses parents : sa mère, la peintre, mais également nonne bouddhiste, Yahne Le Toumelin, ainsi que son père, le philosophe et journaliste Jean-François Revel avec qui il a co-écrit le livre qui le fit connaître, Le moine et le philosophe. Il nous dresse également un portrait emprunt de gratitude pour le professeur François Jacob qui dirigea sa thèse de doctorat en génétique. Mais ce sont également les récits des rencontres et des échanges qu’il entretint avec les maîtres spirituels qui lui prodiguèrent leur enseignement, Kangyour Rinpoché et Dilgo Khyentsé Rinpoché, qui sont au cœur de ce livre et qui nous font découvrir comment un jeune Français d’abord destiné à embrasser une carrière scientifique décide de se réorienter dans une autre voie, celle de l’éveil que propose le bouddhisme et choisit la tradition tibétaine pour tenter d’y parvenir.

Ce parcours n’a rien à voir avec le caprice d’un occidental en mal d’exotisme ou d’un quelconque bricolage spirituel à la mode new-age. L’impression que nous donne ce livre est celle d’un réel désir de sagesse qui ne se limite pas à l’exercice de la méditation solitaire, mais qui s’accomplit également dans l’action. Matthieu Ricard alterne, en effet, les périodes de retraite et les voyages au cours desquels il est toujours habité par le souci de se rendre utile aux autres hommes. Ainsi, embrasse-t-il la cause tibétaine et devient-il l’un des traducteurs officiel du Dalaï-Lama. Il va également s’engager pour la cause animale – en relation avec le Dr Jane Goodall – et créer une Assocoiation humanitaire – Karuna-Shechen – financée initialement par les droits de ses livres. Matthieu Ricard ne renie pas non plus son passé de scientifique, puisqu’il a participé à de nombreuses recherches – entre autres avec le célèbre neurobiologiste chilien Francisco Varella dans le cadre du Mind and Life Institute – sur les effets de la méditation sur le cerveau humain. Il va également publié une série d’entretien avec l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan.

Matthieu Ricard nous fait également partager dans ce livre sa passion pour la photographie et nous décrit avec une grande poésie son admiration pour les merveilles de la nature, principalement celle qu’il peut contempler depuis son ermitage himalayen.

Ce livre peut donc être interprété comme une illustration de son Plaidoyer pour l’altruisme, puisqu’il est, en un certain sens, la preuve par l’exemple que nous ne sommes des personnes humaines que par les liens que nous tissons avec les autres sans lesquels nous ne pouvons nous accomplir.

Éric Delassus

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