L’autorité contre le pouvoir
ÉRIC DELASSUS
Journée d’études du 14 octobre 2021
« Autoriser, s’autoriser, être autorisé, qu’est-ce qui fait autorité ? »
Centre Hospitalier Théophile Roussel de Montesson.
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Avant toute chose, il convient de procéder à une précision d’ordre sémantique. Le titre de cette communication peut laisser penser que l’autorité n’a rien à voir avec le pouvoir et qu’elle ne constitue pas, dans son exercice réel, un véritable pouvoir. En réalité – mais le caractère nécessairement concis d’un titre ne permet pas de telles nuances – j’entends et j’entendrai tout au long de cette communication, par autorité un pouvoir non-coercitif et à l’opposé, je désignerai par pouvoir, toute force contraignante pouvant imposer à une ou plusieurs personnes d’agir contre leur gré, que cette contrainte soit perçue consciemment ou non, sur ceux sur qui elle s’exerce. Ainsi, le pouvoir du guru qui manipule les consciences de ses disciples n’a, selon moi, rien à voir avec une autorité véritable, il s’agit d’un pouvoir qui contraint insidieusement les individus sur lesquels il s’exerce. Je m’efforcerai donc de défendre ici la thèse selon laquelle l’exercice de l’autorité libère et s’oppose à l’exercice du pouvoir qui n’a d’autre but que de contraindre.
Cela étant dit, je préciserai aussi que le contenu de cette communication n’est rien de plus que le fruit d’une réflexion inachevée, car je me suis vite aperçu au cours de celle-ci et de mes lectures que le problème est, comme toujours, bien plus complexe qu’il n’y parait. Il s’agit plutôt d’une succession de réflexions et d’interrogations que j’ai tenté de mettre en ordre et de justifier tant bien que mal. Je ne suis donc pas certain que mon propos fera autorité. J’espère que pour le moins, il ne vous ennuiera pas.
Il est courant de parler aujourd’hui d’une crise de l’autorité. C’est même devenu une « tarte à la crème » dès que l’on aborde cette question. Celle-ci ne serait plus reconnue ni respectée et il serait donc nécessaire de la restaurer. Il est vrai qu’aujourd’hui ceux qui sont censés la détenir sont parfois en difficulté par rapport à ceux envers lesquels ils devraient l’exercer. Les parents, les enseignants, les forces de l’ordre et tous les représentants de la puissance publique sont parfois bien en peine de faire reconnaître leur légitimité face à certaines populations qui les perçoivent plus comme des agresseurs que comme des protecteurs. Il ne faut certes pas noircir le tableau à l’excès et il y a encore parmi nos contemporains bon nombre de personnes qui savent encore reconnaître une autorité légitime, mais il est vrai également que celle-ci est parfois difficile à exercer et que sa légitimité est difficile à justifier. On peut également souligner que l’exercice de l’autorité est parfois difficile à assumer et qu’il est parfois ingrat de faire preuve d’autorité. Ainsi, certains parents ont parfois du mal à assumer leur rôle et à exercer leur autorité, de peur d’être mal perçus par leurs enfants et de ne plus être aimés par eux. On a tous connu des parents-copains qui au bout d’un certain temps se trouvent dépassés par leur progéniture, parce qu’ils ne sont pas parvenus à exercer cette autorité. Autorité souvent réclamée par l’enfant qui a besoin de repères et qui veut savoir jusqu’où il peut aller, parfois jusqu’où il peut aller trop loin. L’absence d’autorité peut alors être perçue comme une forme de mépris ou comme la manifestation d’un manque d’affection ou d’une affection qui ne parvient pas à s’exprimer de manière adéquate.
Il semble donc nécessaire pour y voir plus clair de commencer par définir plus précisément ce qu’est l’autorité, afin de pouvoir la reconnaître et l’exercer de manière plus judicieuse. Au nom de quoi obéit-on à une autorité et de quel droit s’autorise-t-on à faire preuve d’autorité ? Ce sont ces deux questions que nous allons nous efforcer de traiter ici, afin de montrer principalement que l’autorité n’est pas le pouvoir au sens où faire preuve d’autorité, ce n’est pas être autoritaire ou faire preuve d’autoritarisme, mais bien au contraire agir pour permettre à la liberté de l’autre de s’exprimer, pour augmenter sa puissance et non pour la soumettre et la réduire.