La personne  - Eric Delassus - Editions Bréal
La personne

Archive for avril, 2018

The Dissident : l’indécence et le courage de la liberté

Posted in Articles on avril 24th, 2018 by admin – Commentaires fermés

 

 

Le magazine libre The Dissident

Né en novembre 2014, le magazine libre The Dissident est un webzine totalement libre, indépendant et pluraliste. Créé à l’initiative de Remy Degoul, The Dissident a principalement pour objectif  de faire vivre la liberté d’expression en s’affranchissant de toute soumission à quelque puissance économique ou financière, politique ou idéologique que ce soit.

The Dissident se réclame d’Albert Camus et des quatre commandements du journalisme exposés dans un manifeste rédigé en 1939 pour exhorter les journalistes à rester libres malgré la guerre qui menace. Dans ce très beau texte, qui fut d’ailleurs censuré, Camus invite les journalistes à faire preuve de lucidité, de refus, d’ironie et d’obstination, afin de maintenir l’homme face à ce qui le nie.

C’est dans cette perspective, que l’on peut qualifier d’humaniste, que le webzine The Dissident s’inscrit, afin de donner la parole à ceux qui parfois en sont privés, afin d’ouvrir de réels débats entre des esprits indépendants capables d’exprimer des points de vue différents dans le respect mutuel.

La dissidence n’est pas tant ici dans les idées que dans la manière de les exprimer afin de faire progresser et vivre la démocratie. C’est toujours avec grand plaisir que je contribue à la vie de ce magazine. Je vous invite non seulement à y lire mes articles, mais, bien entendu, ceux de tous les autres contributeurs dont la qualité n’est plus à démontrer.

La gueule de l’emploi

Posted in Articles on avril 23rd, 2018 by admin – Commentaires fermés

Le documentaire qui a été diffusé ce dimanche soir (22/04/2018) sur la chaîne parlementaire devrait inciter tous les responsables économiques à réfléchir sur l’image de l’entreprise qui est donnée par de telles pratiques de recrutement qui laisse fortement présager des méthodes de management qui doivent être mises en œuvre dans certaines organisations. En effet, il semblerait que, comme le fait d’ailleurs remarquer l’un des recruteurs à la fin du film, si ces techniques de recrutement utilisées peuvent paraître violentes, elles ne constituent finalement pour le salarié qu’une mise en bouche, une préparation à ce qui l’attend, puisque le monde de l’entreprise y est présenté comme impitoyable, comme celui du retour à l’état de nature tel que le décrit Hobbes, autrement dit un univers où régnerait un état de guerre de tous contre tous dans lequel l’homme ne serait qu’un loup pour l’homme.

 

 

Les méthodes de recrutement présentées dans ce documentaire ne peuvent apparaître, à qui est en mesure de faire preuve d’un minimum d’humanité et /ou tout simplement de bon-sens, comme particulièrement perverses et humiliantes, tant pour les postulants qui espèrent sortir du chômage et trouver un emploi que pour les recruteurs qui semblent n’avoir aucune conscience de la violence de leur comportement et de la désolation éthique dans laquelle ils se sont enfermés.

Autrement dit, dans cette affaire, il est plus pertinent d’imputer la cause de l’inhumanité de ce qui est à l’œuvre à un système qu’aux individus qui en sont le produit et qui fonctionnent d’une manière qui apparaît comme totalement irresponsable. On pourrait y voir ici une manifestation de cette banalité du mal dénoncée par Hannah Arendt et qui peut conduire des hommes ordinaires à en détruire d’autres sans même s’interroger sur la portée de leurs actes, comme si ce qu’il faisait était sinon normal ou juste, en tout cas inévitable.

L’une de raison de cette dérive réside dans une certaine tendance à faire du fait un droit et à considérer que ce qui est est nécessairement ce qui doit être et qu’au nom d’une prétendue efficacité – qui reste d’ailleurs à démontrer – il est permis de tout se permettre dans le traitement des êtres humains sans s’inquiéter des humiliations qu’on leur fait subir ou des traumatismes psychologiques qui leur sont imposés. Puisque le monde de l’entreprise est impitoyable, n’ayons pas de scrupules, n’essayons pas de le faire évoluer. Soumettons-nous au principe de ce que nous croyons être la seule réalité possible et ne nous posons pas trop de question.

En regardant ce documentaire, on est conduit à être spectateur d’une situation hallucinante dans laquelle il est demandé à chaque postulant de montrer qu’il possède les compétences d’un bon vendeur en vantant les qualités d’un autre postulant qui est aussi l’un de ses concurrents. Une épreuve qui rendrait fou plus d’un, puisqu’elle relève en un sens de l’injonction paradoxale. Si finalement, je réussis trop bien à mettre en évidence les qualités de l’autre, je risque fort de « me tirer  une balle dans le pied » et si j’échoue, il va de soi que je serai rapidement mis sur la touche. Bref, on comprend vite en regardant les scènes concernant cette épreuve que le but n’est pas tant de juger des compétences des postulants que de mesure leur degré de servilité. Le vocabulaire employé par les recruteurs à certains moments ne laisse d’ailleurs planer aucun doute, puisqu’il est question de formater le candidat quand il sera embauché et donc de juger s’il sera suffisamment malléable pour occuper le poste qui lui est proposé.

Ce qui est contestable dans ces méthodes, ce n’est pas de mettre les personnes en concurrence que la manière dont cette mise en concurrence s’effectue.

Les candidats ne sont pas reçus un par un afin d’examiner leurs compétences, ils sont réunis dans un contexte qui peut rappeler celui d’un stage de formation, mais qui peut également évoquer le Huis clos de Sartre dans lequel « l’enfer, c’est les autres ». La situation crée donc les conditions d’une apparente convivialité entre les candidats, dont chacun d’eux sait que l’autre est un concurrent à éliminer. On va donc laisser s’établir des relations de sympathie entre eux tout en demandant implicitement à chacun d’être impitoyable envers les autres, s’il veut obtenir le poste dont ils ont tous besoin pour gagner leur vie et retrouver une certaine dignité sociale. Le problème, c’est que pour retrouver cette dignité sociale, il va falloir faire le deuil de sa véritable dignité, celle qui fait de chacun de nous une personne et dont les fondements sont essentiellement éthiques.

La relation à l’autre est donc ici faussée et pervertie. En effet, les relations sociales se fondent essentiellement sur la confiance, c’est-à-dire sur la foi en soi et en l’autre. Or, ici, tous les repères deviennent flous et plus personne n’est en mesure de vraiment croire en qui que ce soit, pas même en lui-même. Chacun se trouve contraint de naviguer à vue entre la bonne et la mauvaise foi et se trouve mis dans des situations où il ne sait plus quel jeu il joue. On nage donc en plein cynisme et personne ne semble vraiment en avoir conscience.

 

Toutes les entreprises et les organisations ne fonctionnent pas, fort heureusement, selon de telles méthodes, mais il semblerait néanmoins que ce que ce documentaire dénonce ne soit pas non plus l’exception qui confirme la règle. Il apparaît donc nécessaire d’inviter les responsables d’entreprise à mener une réflexion éthique authentique, afin de comprendre ce qu’il peut y avoir d’absurde à laisser se perpétrer de telles pratiques qui sont à l’origine d’une souffrance au travail qui en plus de rendre les hommes malheureux n’est certainement pas un gage d’efficacité pour l’entreprise. Cette réflexion n’est pas pour l’entreprise un supplément d’âme qui n’aurait de fonction que celle d’un ornement dont le but serait de rendre acceptable l’intolérable. Elle n’est pas non plus une méthode de management n’ayant d’autre but que d’amadouer les personnels pour leur « faire avaler la pilule ». Une telle réflexion doit d’abord avoir pour finalité de rendre l’entreprise plus humaine et plus efficace – humaine et efficace et pas humaine pour être efficace – pour mettre l’économie au service de l’homme et non l’inverse. Certes, comme le souligne l’un des recruteurs le monde de l’entreprise n’est pas celui des « bisounours ». Est-ce une raison pour en faire un enfer ? Certainement pas !

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Pourquoi le goût du pouvoir rend-il impuissant ?

Posted in Articles on avril 22nd, 2018 by admin – Commentaires fermés

 

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Le monde du travail donne lieu à la rencontre de deux forces apparemment similaires, mais qui peuvent fréquemment devenir antagonistes. Je veux parler du pouvoir et de la puissance.

Le pouvoir (en latin potestas) désigne cette capacité dont certains bénéficie de pouvoir faire accomplir à d’autres des actions qu’ils n’ont pas eux-mêmes décider d’entreprendre. En ce sens le manager dispose d’un pouvoir, il oriente, organise et supervise le travail de ceux qui sont sous sa responsabilité.

Par le terme de puissance (potentia) on entend plutôt la capacité d’action d’un individu. Ainsi, parle-t-on, de la puissance de travail d’une personne, de la puissance créatrice de l’artiste ou de la puissance intellectuel d’un chercheur.

 

La puissance se différencie du pouvoir en ce qu’elle ne s’exerce pas sur d’autres personnes, mais sur le monde et principalement sur les choses, pour les comprendre ou les transformer. La puissance, comprise de cette manière, est essentiellement puissance d’agir et s’avère d’autant plus intense qu’elle émane du désir. C’est parce qu’il est animé d’un formidable désir de créer que l’artiste est généralement en mesure de réaliser une œuvre, c’est parce qu’il est mû par un intense désir de connaître que le scientifique pourra parvenir à effectuer de grandes découvertes. Cette puissance peut aussi être celle de l’entrepreneur qui crée sa société, de l’artisan qui s’investit dans son ouvrage.

Le pouvoir est d’une tout autre nature, parce qu’il s’exerce sur des hommes. Il n’est pas en soi condamnable, d’autant que son exercice s’avère le plus souvent nécessaire, si ce n’est qu’il contient en lui, une sorte de poison qui risque d’affecter autant celui qui en dispose que ceux sur qui il s’exerce. Ce poison, c’est le goût du pouvoir pour lui-même, c’est-à-dire le désir de dominer (libido dominandi). Or, ce goût du pouvoir est un symptôme et une source d’impuissance.

Il est un symptôme, c’est-à-dire un signe d’impuissance. Le meilleur conseil à donner à ceux en qui ce goût commence à naître est de s’en méfier, car il ne va pas les renforcer, il va les affaiblir. C’est pourquoi, il est aussi une source d’impuissance. Le goût du pouvoir se nourrit de lui-même, il isole et trop souvent conduit celui qui le ressent à sa perte.

Le pouvoir est nécessaire dans n’importe quelle organisation pour fédérer les énergies et répartir les tâches. Il permet ainsi à chacun d’exercer sa puissance d’agir sans venir empiéter sur celle des autres et il contribue ainsi en augmentant celle des personnes prises individuellement à augmenter également celle du groupe, celle de l’organisation tout entière. En conséquence, celui qui exerce le pouvoir sans en avoir le goût est animé par un désir qui exprime sa puissance d’agir. Ce désir n’est autre que celui de faire en sorte que la puissance d’agir de ceux sur qui il exerce ce pouvoir augmente et que s’accroisse également la puissance de l’organisation elle-même.

En revanche, celui qui n’exerce le pouvoir que par désir d’imposer sa volonté aux autres est animé d’une force qui peut vite devenir destructrice, car son désir n’est autre que de réduire la puissance d’agir de ceux sur qui il exerce son autorité. Ainsi, leur refuse-t-il toute possibilité de prendre des initiatives ou de faire preuve d’autonomie. En ce sens, il est un symptôme d’impuissance, car il signifie que celui qui le ressent a le sentiment de n’avoir d’autre moyen de se sentir puissant que de réduire la puissance des autres. Il ne se sent pas puissant en faisant appel à ses propres ressources, mais en faisant tout ce qu’il peut pour limiter celle des autres. Le goût du pouvoir est aussi une source d’impuissance, car celui qui rentre dans une telle spirale ne cherche en lui-même la voie à emprunter pour augmenter sa puissance d’agir, il n’est préoccupé que par les moyens à mettre en œuvre pour maintenir les autres dans une situation de faiblesse et de fragilité. Ainsi, par exemple, peuvent s’installer des situation de harcèlement au travail. Jamais on n’encourage l’autre, jamais on ne le félicite et s’il commet une erreur plutôt que de l’aider à en tirer des leçons, on le stigmatise, on l’essentialise dans son erreur, comme si celle-ci s’était inscrite en sa nature profonde comme une tâche indélébile.

Il n’y a donc pas de pire ennemi à la puissance que le goût du pouvoir. La puissance à l’état pur ne peut finalement s’exprimer pleinement qu’en contribuant à l’augmentation de celle des autres. Le manager qui exerce sa fonction, c’est-à-dire le pouvoir qui lui vient de son statut dans l’organisation, en étant animé par le souci d’augmenter sa puissance d’agir, n’aura de cesse de faire en sorte que celle de ses subordonnés augmente également. De même, le médecin ou le soignant, qui voient leur puissance augmenter lorsque l’état de santé de leur patient s’améliore, contribuent par là même à une augmentation de puissance de ce dernier, tout comme l’enseignant se sent d’autant puissant qu’il contribue à faire s’accroître la puissance de connaître et de comprendre de ses élèves. Toutes ces personnes ne parviendraient certainement pas au même résultat, si elles étaient uniquement animées par le goût du pouvoir.

 

Le pouvoir relève donc pour cette raison de ce que les Grecs de l’antiquité désignaient par le terme de pharmakon, il est à la fois le remède et le poison. Avec cette différence que ce qui fait qu’il est remède ou poison n’est pas ici une affaire de quantité, mais relève de la manière dont il est administré, qui elle-même dépend de la nature du désir de celui qui l’exerce.

Lorsque le pouvoir est au service de la puissance, il y trouve sa propre limite et s’exerce à bon escient. En revanche, lorsqu’il ne trouve sa seule raison d’être qu’en lui-même, le ver est dans le fruit. L’organisation risque fort de rentrer alors dans une spirale qui la conduira vers l’enfer de l’impuissance.

Vu sous cet angle, un bon manager ne peut être animé par le goût du pouvoir, au risque de rapidement devenir un manager impuissant.

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Il pleut sur la ville et je me souviens

Posted in Articles on avril 15th, 2018 by admin – Commentaires fermés

Pour la deuxième année consécutive, les lycées Marguerite de Navarre et Alain-Fournier de Bourges ont organisé un colloque de philosophie qui s’est déroulé dans l’amphithéâtre de l’École Nationale Supérieure d’Art.

Cette année, le thème portait sur la mémoire. Nos élèves ont ainsi pu découvrir la philosophie sous un autre angle. Leur participation fut active et souvent pertinente.

Nous remercions les intervenants pour la qualité de leurs prestations et pour leur souci de rester accessibles au public. Nous pensons reconduire cette manifestation l’année prochaine sur un thème qu’il nous reste à définir.