La personne  - Eric Delassus - Editions Bréal
La personne

Archive for décembre, 2017

Éthique, Nouvelles technologies et handicap

Posted in Articles on décembre 15th, 2017 by admin – Commentaires fermés

 

 

Conférence prononcée le 14 décembre 2017 lors du symposium organisé par la CRAMIF : « Innovation et handicap ».

Afin de bien comprendre en quoi le développement des nouvelles technologies pose un certain nombre de problèmes éthiques et de réfléchir afin de déterminer en quoi les questions liées au handicap n’échappent pas à cette problématique, je voudrais commencer par préciser le sens des notions en jeu ainsi que les liens qui les réunissent selon des modalités qui ne conduisent ni toujours ni nécessairement à l’harmonie.

Nous aborderons tout d’abord la notion d’éthique qu’il me semble nécessaire de distinguer de celle de morale. Cette distinction est nécessairement subtile dans la mesure où nous avons affaire initialement à deux termes qui veulent globalement dire la même chose, l’un venant du grec et l’autre du latin. En effet, à l’origine, ces deux termes désignent les mœurs, la manière d’être et de se comporter. Ainsi, en grec ancien, l’ethos d’une personne renvoie aux principes implicites qui déterminent sa conduite. Néanmoins, les mots ayant, comme toutes les choses humaines, une histoire, leurs significations respectives ont évoluées dans des directions quelque peu différentes. En effet, la morale désigne aujourd’hui un ensemble de principes et de règles qui font l’objet de devoirs et d’obligations qu’il nous faut respecter en vue du bien, tandis que l’éthique répond plus à la question « que faire ? » qu’à la question « que dois-je faire ? ». L’éthique cherche plus à faire émerger des principes d’actions immanents, c’est-à-dire présents à l’intérieur même de l’univers dans lequel nous évoluons, plutôt qu’à essayer de faire s’accomplir ici-bas des principes idéaux et transcendants qui nous dépasseraient. Développer une réflexion éthique ne signifie donc pas agir en vue de rendre réel un idéal, mais consiste plutôt à chercher à comprendre le réel pour faire en sorte que cette compréhension modifie notre manière d’être et notre manière d’appréhender ce réel afin de nous y adapter sans pour autant nous y soumettre, mais pour que l’évolution de notre manière d’être et d’agir puisse transformer ce réel et le modifier. Pour tenter de résumer cette distinction et l’illustrer à partir des rapports entre morale, éthique et technologie, je dirais qu’en ce domaine l’attitude morale serait de condamner une technique ou une technologie sous prétexte qu’elle peut être dangereuse et de recommander que l’on renonce à son utilisation, tandis que la réflexion éthique consisterait plutôt à réfléchir sur la manière de vivre avec cette technologie de telle sorte qu’elle nous soit utile et que nous puissions éviter d’en subir les effets néfastes ou dangereux. Et cela n’a rien d’étonnant, car le terme grec d’Ethos a plusieurs significations et – à un accent près en grec ancien – s’il désigne les mœurs et le comportement, il peut également désigner l’habitation. Il me semble donc que l’éthique, vue sous cet angle, peut également se définir comme la recherche d’une méthode pour mieux habiter ce monde. Développer une réflexion éthique consiste finalement à cultiver notre disposition à habiter humainement ce monde et à faire en sorte qu’il ne devienne pas, en raison même de nos actions, totalement inhabitable, que ce soit sur le plan social ou écologique.

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La personne et les éthiques du care

Posted in Articles on décembre 6th, 2017 by admin – Commentaires fermés

Résumé

Français

Dans la tradition occidentale, les hommes se sont longtemps perçus comme des exceptions à l’intérieur de la nature. Ils se sont définis comme des personnes, par opposition aux animaux et aux choses, en raison de caractéristiques qu’ils jugeaient chez eux essentielles. Néanmoins, il semble nécessaire aujourd’hui de remettre en question cette perception de l’homme et de sa condition. En effet, l’allongement de la durée de la vie et les pathologies qui l’accompagnent, les progrès de la médecine, nous invitent à penser autrement. Nous nous apercevons aujourd’hui que ces qualités que nous jugions inhérentes à la personne – conscience, raison, mémoire, libre arbitre – peuvent disparaître. Devons-nous en conclure que ceux qui voient ces aptitudes diminuer ou disparaître, sont moins des personnes que d’autres, voire ne sont plus des personnes ?
Cette remise en question conduit à une nouvelle approche de la personne. Celle-ci ne serait plus définie en termes substantiels, mais de manière relationnelle. Être une personne, n’est-ce pas d’abord être par l’autre et pour l’autre ? Les éthiques du care, qui définissent les hommes comme des êtres vulnérables, c’est-à-dire dépendants et ayant besoin de la sollicitude de leurs semblables, n’offrent-elles pas la possibilité de construire un nouveau concept « revisité » de la personne ?

Mots-clés

  • personne
  • éthiques du care
  • vulnérabilité
  • dignité
  • altérité

English

The person and the ethics of careIn our western world, it has long been thought that humans are exceptions within nature. They have defined themselves as human beings as opposed to animals and things, on account of characteristics that they regarded as essential. However it now seems necessary to question this perception of humanity and the human condition.
Indeed, longer life expectancy together with its related pathologies and medical progress lead us to think differently. Today we realise that those qualities which were thought to belong specifically to human beings, such as awareness, reason, memory and free will, can disappear. Should we conclude then that those whose capacities have decreased or disappeared have become less human or have even lost all human qualities?
Such questioning leads to new ways of describing humans whereby they would be defined not in substantial but rather in interpersonal terms.
Surely being a person means first and foremost that we live through and for others. And the ethics of care that define men as vulnerable beings, that is to say dependent and needing their fellow human beings’ solicitude, would surely offer the possibility of creating a new ‘revisited’ concept of the person?

Keywords

  • person
  • care ethics
  • vulnerability
  • dignity
  • alterity

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La question de l’interprétation dans la pensée de Spinoza

Posted in Articles on décembre 6th, 2017 by admin – Commentaires fermés

Pour aborder la question de l’interprétation dans la pensée de Spinoza, je ne commencerai pas par une référence immédiate au Traité théologico-politique, comme on pourrait s’y attendre, mais en proposant quelques remarques et commentaires concernant l’Éthique et plus particulièrement l’appendice à la première partie dans laquelle il est permis de considérer que Spinoza propose une théorie de l’interprétation qui, me semble-t-il, rejoint, je m’efforcerai de le montrer ensuite, celle qu’il mettra en œuvre dans le Traité théologico-politique.

En effet, cet appendice qui consiste en une critique du finalisme se présente comme une critique de l’interprétation de la nature comme étant le produit de la volonté de Dieu, cet asile dans lequel se réfugie les ignorants lorsque, refusant d’admettre leur ignorance, ils n’ont plus rien à dire.

Mais Spinoza, dans cet appendice, ne se contente pas de remettre en question cette interprétation, il cherche également à en comprendre les rouages, à en expliquer le processus de production. En effet, en dénonçant le préjugé finaliste, Spinoza dénonce une interprétation anthropomorphique de la nature, c’est-à-dire une lecture des phénomènes naturels au travers du prisme de l’action humaine qui poursuit des fins. Il remarque donc que les hommes ont spontanément tendance à interpréter les choses de la nature, comme s’il s’agissait d’objets manufacturés qui seraient conçus et agencés en vue de répondre parfaitement à la fonction pour laquelle ils ont été produits. Ainsi, de même qu’un couteau sert à trancher, nos yeux serviraient à voir, nos oreilles à entendre, nos jambes à marcher, le soleil à nous éclairer, l’eau à nous désaltérer et à irriguer les champs et ainsi de suite… La critique qu’il développe au sujet de cette vision tient en ce qu’elle inverse les causes et les effets. Nous n’avons pas des yeux pour voir, nous voyons parce que nous avons des yeux. Ainsi, l’esprit de l’ignorant, l’esprit soumis à la servitude, produit, à partir d’une interprétation erronée de la nature, une illusion, l’illusion finaliste, et ce qui va nous intéresser ici, c’est la manière dont se met en place le procédé spontané d’interprétation qui produit cette illusion.

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QU’EST-CE QUE L’IDEE D’UN CORPS MALADE ?

Posted in Articles on décembre 1st, 2017 by admin – Commentaires fermés

Le sujet de ma communication d’aujourd’hui va porter sur ce qui a été, en un certain sens, le fil directeur d’un travail de recherche que j’ai entamé, il y aura bientôt dix ans et dont l’objectif était de recourir à la philosophie de Spinoza pour penser l’éthique médicale contemporaine et plus particulièrement pour tenter de proposer aux malades et aux soignants une approche de la maladie qui puisse permettre aux premiers de mieux vivre et de mieux affronter ce qui vient bouleverser l’existence de manière parfois cataclysmique et pour les seconds de mieux accompagner les patients dont ils ont la charge. Ce travail m’a permis de soutenir ma thèse de doctorat en mars 2010, thèse qui a donné lieu à un livre intitulé : De l’Éthique de Spinoza à l’éthique médicale[1].

Ce qui m’a conduit à choisir Spinoza pour résoudre les problèmes auxquels j’ai pu être confronté pour traiter cette question, c’est, au-delà de la sympathie intellectuelle que j’entretiens avec ce philosophe, la conception qu’il développe des rapports entre le corps et l’esprit. Si tant est que l’on puisse parler de rapport, étant donné que le corps et l’esprit ne sont pas perçus dans la pensée de Spinoza comme deux choses distinctes, mais comme une seule et même chose perçue de deux manières différentes. En effet, Spinoza définit l’esprit comme « idée du corps », ce qui explique le titre de cette intervention : « Qu’est-ce que l’idée d’un corps malade ? ».

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[1] Éric Delassus, De l’Éthique de Spinoza à l’éthique médicale, Presses Universitaires de Rennes, 2001.

 

Peut-on soumettre le soin à l’obligation de résultat ?

Posted in Articles on décembre 1st, 2017 by admin – Commentaires fermés

Conférence prononcée le 1er décembre 2017 lors de la Rencontre-Échanges-Débat organisée par l’Inter-Collèges des psychologues hospitaliers IDF et par le collectif national des Inter-Collèges

Le monde du soin en général, et peut-être plus particulièrement celui des soignants qui interviennent dans les domaines de la psychiatrie et de la psychologie, semble aujourd’hui être traversé par un certain nombre d’inquiétudes concernant les exigences que souhaiteraient leur imposer leurs institutions de tutelle, dans la manière d’accomplir les missions qui sont les leurs. En effet, notre époque, fortement dominée par la science et la technique a tendance à vouloir tout rationaliser dans un sens qui n’est peut-être pas celui qui est le plus souhaitable, si l’on veut que notre société puisse prendre soin comme il convient des plus vulnérables d’entre nous.

Ces craintes sont apparemment nourries par l’injonction plus ou moins pressante de travailler selon des procédures scrupuleusement codifiées et contraignantes, de devoir régulièrement évaluer le travail accompli à partir de critères qui n’ont pas nécessairement été élaborés par des professionnels de terrain, bref d’être continuellement « formatés » et contrôlés et de devoir se soumettre à des process stéréotypés qui occulteraient totalement la dimension singulière de toute relation de soin en confondant parfois le soin et le traitement. Cette orientation aurait par conséquent tendance à réduire le soin à la dimension de moyen ou d’instrument devant donc, puisque c’est là, la raison d’être d’un moyen ou d’un instrument, être soumis à un impératif d’efficacité. Il y aurait donc une sorte d’introduction insidieuse de l’obligation de résultat dans le soin. Introduction, peut-être intentionnelle de la part de certains responsables d’institutions de soins, mais peut-être aussi, ce qui est certainement plus probable, en raison du type de rationalité qui s’impose de manière quasi-autonome avec le développement des technologies et du mode de rationalité qui les accompagne. De la sorte, le soin qui n’était jusque-là soumis qu’à une obligation de moyen se trouve insensiblement, tout doucement conduit vers la nécessité de devoir se conformer, au moins dans son organisation, au mode de fonctionnement de la plupart des activités humaines aujourd’hui. Cette tendance, si elle s’avère réelle et si elle se confirme, risque de remettre en question le principe sur lequel traditionnellement le soin, ainsi que la médecine, ont toujours basé leur mode de fonctionnement, c’est-à-dire l’obligation de moyen.

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